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La PCR, qu'est-ce que c'est ?


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Définition

En 1983, Karry Mullis met au point une technique d’amplification de l’ADN: la PCR (Polymerase Chain Reaction ou Réaction de Polymérisation en Chaîne). Aujourd’hui, c’est une technique incontournable et couramment utilisée dans les laboratoires.

En deux mots, c’est une réaction enzymatique qui permet de sélectionner puis d’amplifier en une très grande quantité un fragment d’ADN particulier, présent en très faible quantité au départ, parmi des millions d’autres fragments.

Principe

La PCR est une suite de cycles, qui se répètent en boucle, comportant chacun trois paliers de température. De plus, chacun de ces paliers est caractérisé pas une réaction chimique distincte. En moyenne une PCR comporte entre 20 et 40 cycles.

Les acteurs de la PCR sont :

  1. L'ADN
    Avant la réaction de PCR, l’ADN est extrait à partir de l’échantillon que l’on veut analyser (salive, cheveux, cellules, fossile…). Puis, cet extrait purifié en ADN, contenant le fragment d’ADN que l’on souhaite amplifier, peut être utilisé en PCR. 

  2. Les deux amorces
    Ce sont des fragments courts d'ADN, capables de s'hybrider de façon spécifique, grâce à la complémentarité des bases, sur l’un des deux brins d'ADN. Les amorces sont choisies de façon à encadrer la séquence d'ADN à amplifier. La taille de ces amorces est généralement d’une vingtaine de désoxyribonucléotides. De plus, les amorces sont en très forte concentration par rapport à celle de l’ADN à amplifier.


     Schéma d'amorces d'ADN
     
  3. Les DésoxyriboNucléotides-Tri-Phosphates (dATP, dCTP, dGTP, dTTP) 
    Les dNTPs (Désoxyribonucléotides-Tri-Phosphates) sont des molécules de base, qui constituent l’ADN, utilisés par la Taq polymérase pour la synthèse du nouveau brin d’ADN complémentaire.

  4. L’enzyme, Taq polymérase 
    L’enzyme utilisée est une polymérase, c'est-à-dire qu’elle peut synthétiser un nouveau brin d’ADN à partir du brin d’ADN matrice après s’être fixée à une amorce.

  5. Le milieu réactionnel 
    Le milieu réactionnel de la PCR comporte l’ADN à amplifier, les dNTPs, les deux amorces, la Taq polymérase, un tampon et des ions magnésium (MgCl2). Ces deux derniers composants définissent un milieu avec un pH optimal et une concentration saline optimale pour le bon fonctionnement de l’enzyme.

La réaction 1

La PCR est une technique automatisée. En effet, la réaction de PCR se fait dans un thermocycleur.

L’appareil contient un bloc chauffant où l’on insère les tubes contenant notre mélange pour la réaction de PCR et où la température peut varier très rapidement et très précisément de 0°C à 100°C.

Le thermocycleur est alors programmé pour effectuer les différents cycles de la PCR. Ainsi, chaque cycle est composé d’une succession de paliers de température prédéterminée, et d’une durée bien définie. Ces deux paramètres, température et temps, dépendent de la taille de la séquence à amplifier de la taille et de la composition en désoxyribonucléotides des amorces.

Description d'un thermocycleur 

Petite anecdote

Il faut savoir qu’au début des années 80, les chercheurs n’avaient pas encore de thermocycleur dans leur laboratoire et pour changer la température, ils devaient passer les tubes d’un bain-marie à l’autre. Je vous laisse imaginer le temps que cela prenait!!

La réaction 2

Chaque cycle est donc constitué de trois périodes différentes :

  Dénaturation
  Hybridation
  Elongation

Schéma de la PCR

Schéma de la PCR

La réaction 3

  La dénaturation

La température dans le tube est réglée à 95°C. A ce moment là, l’ADN se dénature. 
En effet, l’ADN perd sa structure caractéristique en double hélice, les liaisons hydrogène reliant les bases de chaque brin d’ADN étant instables à cette température. L’ADN double-brin (2 brins) est dénaturé en ADN simple brin (1 brin).

La dénaturation

La réaction 4

  L'hybridation

Ensuite la température est descendue à la température dite d’hybridation. Cette dernière est généralement comprise entre 50°C et 60°C et elle est fonction de la composition en désoxyribonucléotides (dATP, dTTP, dGTP, et dCTP) des amorces. Les amorces reconnaissent et se fixent à leurs séquences complémentaires en reformant des liaisons hydrogène. On dit que les amorces s’hybrident au brin d’ADN.

L'hybridation

La réaction 5

 L'élongation

Puis la température est réglée à 72°C, température idéale pour l’activité de la Taq polymérase.

C’est une enzyme très spéciale, puisqu’elle est dite thermorésistante, parce que sa température optimale d'action est de 72°C et qu'elle est capable de résister à des températures allant jusqu’à 100°C.

Cette Taq polymérase est extraite d’une bactérie extrêmophile, Thermusaquaticus, qui ne vit que dans les sources chaudes. En effet, c’est en 1969 que Thomas Brock découvre cette bactérie thermophile, dans le plus grand geyser du monde, le Steamboat Geyser, au parc de Yellowstone aux Etats-Unis.

L'effet de la Taq polymérase

Cette étape permet à la Taq polymérase de synthétiser le brin complémentaire à l’ADN matrice, grâce aux dNTPs libres présents dans le milieu réactionnel.

Au cycle suivant, les nouveaux fragments synthétisés servent à leur tour de matrice pour la synthèse de nouveaux fragments d’ADN. En théorie, à la fin de chaque cycle, la quantité d’ADN cible est doublée.

Le premier cycle est fini et voilà qu’un nouveau cycle recommence. Cela se reproduira environ 30 fois (en fonction du protocole de PCR) comme vous pouvez le voir sur le schéma. A partir d’une seule copie d’ADN cible, on pourra donc obtenir 1 milliard de copies d’ADN cible.

Schéma de la PCR

Applications de la PCR

La PCR est très couramment utilisée dans de nombreux domaines :

En médecine

En recherche fondamentale

  •  multiples applications routinières

En médecine légale

  • pour identifier une personne par son empreinte génétique dans le cadre d’une enquête judicaire
  • pour un test de paternité.

En agroalimentaire

  • pour identifier des variétés ou des espèces végétales et animales, pour sélectionner de nouvelles variétés de fruits et légumes, comme la tomate
  • pour le contrôle de la qualité des produits agroalimentaires, détecter la présence d’OGM dans un aliment par exemple.

En histoire

  • pour des études phylogénétiques sur des squelettes fossiles (ADN fossile), rechercher les liens de parenté entre les individus (cas les plus célèbres: les enfants de Louis XVII, ou ceux du tsar Nicolas II)
  • pour l’étude des migrations des populations humaines et animales (en Islande, les indiens d’Amérique)
  • pour la détection d’infections virales, bactériennes et parasitaires sur des momies égyptiennes et andines (par exemple H-C Li et son équipe ont montré la présence du virus HTLV-1, à l’origine du SIDA, dans des momies de la Cordillère des Andes datant de plus de 1500 ans).

Quelques exemples

Détection d’OGM dans les aliments

Un OGM est un organisme génétique modifié. C’est un organisme dont le patrimoine génétique a été modifié par ajout d’un gène ou plusieurs gènes particuliers, conférant ainsi à l’organisme de nouvelles caractéristiques (par exemple le gène de résistance à un herbicide ou à un parasite). Ces gènes ajoutés sont appelés des transgènes.

Des laboratoires se sont spécialisés dans la recherche d’OGM dans de nombreux produits à la base de notre alimentation (maïs, soja, farine, semoule, gluten, corn flakes, amidons et dérivés, extrait protéique, sirop de glucose, lait de soja, tourteau, lécithine, etc ...). Après avoir extrait l’ADN des produits, ils font plusieurs PCR en utilisant différents couples d’amorces spécifiques pour un transgène connu. Si le transgène n’est pas présent dans le produit, les amorces ne s’hybrident pas sur l’ADN et la PCR est négative. Au contraire, si le transgène est présent, il sera détectable par l’obtention d’un produit d’amplification et la PCR est positive.

En médecine

L’utilisation de la PCR dans les laboratoires de diagnostic moléculaire se fait de manière routinière.

En cancérologie, le but est de détecter des mutations connues dans certains gènes spécifiques du cancer. Cette technique de diagnostic sous-entend que l’on connaisse le gène qui est déficient, les différentes mutations possibles, qui sont alors responsables d’un type de cancer.

Par exemple, de nombreuses recherches ont été faites sur le cancer du sein (gènes BRCA1 et BRCA2), de la prostate ou de la thyroïde. On sait maintenant que les mutations dans le gène BRCA1 sont les plus fréquentes et prédisposent à la majorité des cancers familiaux du sein et de l’ovaire. Les mutations du gène BRCA2 sont plus fréquentes dans les populations anglo-saxonnes et nordiques. La recherche de mutations dans ces gènes se fait dans le cadre de dépistage de cancer uniquement dans des familles à risque, sinon cela revient beaucoup trop cher.
Une autre technique qui commence à être de plus en plus utilisée est la détection de marqueur de tumeur. En effet, ce qui différencie une cellule normale d’une cellule tumorale, c’est que cette dernière présente de nombreuses mutations ayant pour conséquence une altération du métabolisme cellulaire et une dérégulation du cycle cellulaire. Ces modifications rendent la cellule immortelle et dans certains cas la cellule devient mobile, c’est-à-dire qu’elle ne fait plus partie d’un tissu donné. La cellule n’a donc plus le même phénotype et elle se met à exprimer de nouvelles protéines.

Ces nouvelles techniques permettent surtout, à partir d’une prise de sang, de doser les protéines exprimées en grande quantité par les cellules tumorales et de manière non spécifique. Mais dans certains cas, le dosage de ces marqueurs tumoraux protéiques n’est pas assez fiable et d’autres techniques ont été développées.
En effet, après l'extraction de l’ARNm à partir du sang prélevé sur le patient, et une étape de reverse transcription de cet ARNm en ADN dit complémentaire, on peut faire une PCR pour détecter la présence de ce marqueur de tumeur ARN. Cette technique utilise, avant l’étape de PCR, une enzyme capable de transcrire l’ARN en ADN comme le fait la reverse transcriptase du virus de SIDA. Cette technique est pour le moment très peu utilisée en routine, car elle est difficile à mettre au point et cela revient très cher.

Dans le cas du cancer différencié de la thyroïde les médecins peuvent suivre l’état de leurs patients en dosant la quantité d’ARNm de la thyroglobuline, protéine très fortement exprimée par les cellules tumorales de la thyroïde. Cette technique a été récemment proposée comme une alternative prometteuse plutôt que l’utilisation du dosage de la protéine (thyroglobuline) directement.

Attention, il faut savoir que la présence de certaines mutations dans certains gènes n’entrainent pas forcément un cancer. Il faut aussi ajouter à cela deux composantes. Premièrement, chaque personne est différente et ne réagit pas de la même manière aux mutations, aux traitements, etc. Deuxièmement, il existe une composante environnementale, vous avez dû en entendre parler: l’amiante, certains virus, les ondes électromagnétiques (téléphone, lignes hautes tension)…

En Histoire

L’ADN prélevé sur des restes anciens de plantes et d’animaux est appelé ADN fossile. La recherche sur l'ADN fossile est une activité scientifique très médiatisée. Vous connaissez peut-être le film Jurassic Park ? Juste avant la sortie du film, en 1993, une équipe de chercheurs a réussi à extraire de l’ADN à partir d’un charançon fossilisé dans l'ambre vieux de 130 millions d’années.

En général, l’extraction d’ADN fossile pose de nombreux problèmes. L’ADN fossile est un matériel très fragile et soumis à différentes contraintes environnementales, qui ont pour conséquence sa dégradation.

Mais l’ADN peut être sauvegardé dans différents tissus. L’ADN est extrait à partir de tissus mous issus de restes momifiés ou de spécimens naturalisés. La conservation des tissus mous peut résulter de processus naturels comme la congélation en milieu froid (dans le cas d’Otsi, l’homme des glaces, retrouvé dans les Alpes à la frontière entre l’Italie et l’Autriche) ou la dessiccation dans les déserts chauds et secs. Les tissus mous peuvent aussi être conservés de façon artificielle (momies, animaux taxidermisés, herbiers des collections, spécimens conservés dans l'alcool). Il est également possible aujourd'hui d'extraire de l'ADN à partir de tissus durs (os et dents). Les milieux froids, les déserts chauds et secs, les tourbières et les fosses à goudron préservent mieux l'ADN ancien.

Dans une perspective d'évolution moléculaire, les séquences peuvent servir à déterminer les relations de parenté entre espèces actuelles et fossiles. La première étude publiée sur l'ADN fossile a permis, à partir d'une peau naturalisée de cent quarante ans, de construire un arbre phylogénétique fondé sur des données moléculaires, reliant le quagga (ancêtre du cheval) aux espèces d'équidés actuelles. Cette analyse et les suivantes ont montré que le quagga était étroitement apparenté au zèbre de Burchell ou zèbre commun.

Voici quelques exemples qui ont changé l’Histoire :

  • Ces dernières années, plusieurs études ont porté sur la famille Romanov. Selon l’histoire officielle de l’URSS, le dernier tsar, Nicolas II, aurait péri la nuit du 16 juillet 1918 avec toute sa famille, son épouse et ses 5 enfants, ainsi que quelques serviteurs. Cependant, en 1920, une jeune femme, connue sous le nom de Anna Manahan Anderson, prétend être la plus jeune des filles du tsar, la grande duchesse Anastasia, qui aurait échappé au massacre. Si bien des gens la soupçonnèrent d’imposture, elle fut reconnue comme Anastasia par des membres de la famille impériale, comme la princesse Irène (la tante d’Anastasia) ou le grand duc Alexandre (cousin de Nicolas II).

    La possibilité de séquencer l’ADN ancien allait permettre d’établir la vérité. Anna était morte depuis plusieurs années, mais on possédait une biopsie intestinale d’elle. On put en extraire de l’ADN et séquencer des fragments d’ADN mitochondrial. Ces séquences furent comparées à celles de membres vivants de la famille de la tsarine (dont le duc d’Edimbourg). Il fut ainsi prouvé que Anna Manahan ne pouvait en aucun cas être la fille de la dernière tsarine.
  • Selon l’histoire officielle, le jeune roi Louis XVII, fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, est mort au Temple, le 8 juin 1795.

    Mais la rumeur se propagea rapidement que l’enfant mort au Temple n’était pas Louis XVII, mais une «doublure» qu’on lui avait substituée pour mettre à exécution un plan d’évasion.

    Dès la Restauration, de nombreux prétendants au nom de Louis XVII se firent connaître. On en compta même jusqu’à New York, aux Seychelles, aux Açores et en Dalmatie ! Le prétendant le plus sérieux fut Naundorff, qui se fit reconnaître comme étant Louis XVII au début de la Monarchie de Juillet par quelques vieux serviteurs de Versailles ou des Tuileries, notamment par Madame de Rambaut, gouvernante de Louis XVII.

    Son cas ne fut tranché que très récemment, grâce à son ADN (prélevé sur son squelette) et à l’ADN extrait du cœur de l’enfant mort au Temple que le médecin responsable avait conservé. La séquence des bases de certaines zones de l’ADN mitochondrial fut établie pour les deux sources et comparée avec la séquence correspondante établie chez des descendantes de Marie-Antoinette.

    Il fut alors clairement montré qu’il était impossible que Naundorff soit le fils de Marie-Antoinette, mais que, par contre, l’enfant mort au Temple était très probablement Louis XVII.

Voici une petite anecdote :

En 1995, cent cinquante ans après sa mort, les yeux de John Dalton ont pu être analysés : la déficience visuelle du découvreur du daltonisme était liée à l'absence du gène MW-opsine.